Traversant pour la première fois la commune de Tourouvre-au-Perche à la recherche d’une maison où vivre la moitié de l’année, je ne lui trouvai ni beauté ni grâce. Avec ma compagne, nous avions vu Mortagne, Bellême et Rémalard, autant de bourgs pimpants rassemblés autour de leur clocher, autant de manoirs nichés au fond d’un vallon, autant de cartes postales qui font rêver les Parisiens. Tourouvre au contraire étirait avec modestie son artère principale, baptisée rue du 13-Août-1944. Démesurément large pour une commune si modeste, elle est bordée dans sa partie centrale de maisons d’un étage construites sur un modèle unique. La place délimitée par la mairie-école et l’église Saint-Aubin était déserte, vaste comme un champ de tir. Le village flottait dans des habits trop grands pour lui. Quelque chose manquait, mais quoi ? C’était l’année du Covid. Une impression de vide et de tristesse contenue s’ajoutait à l’atmosphère lugubre de cet hiver 2021. Qui avait présidé au plan d’occupation des sols ? Un urbaniste adepte de la philosophie zen ? Un stagiaire sans imagination d’une administration quelconque ?
Maintenant je sais. Alors que le Perche fête sa libération par les troupes du Débarquement, Tourouvre commémorera le 13 août, pour la 80e fois, le drame qui la hante. Ailleurs, on fait défiler des Jeep soigneusement entretenues, on sort des drapeaux. La petite-fille du général Patton est attendue à Longny, à une dizaine de kilomètres de là. Les hauts-parleurs crachent du Benny Goodman, on ressort les talons compensés, on s’exerce au rock acrobatique. Ici, on se recueille et on s’interroge. Pourquoi nous ? Pourquoi, ce 13 août, des dizaines de jeunes soudards SS de la division Adolf Hitler ont-ils pris pour cible ce bourg paisible de quelques centaines d’habitants ? Pourquoi, alors qu’ils s’apprêtaient à battre en retraite, ont-ils laissé derrière eux 18 morts, hommes, femmes, adolescents âgés de 19 à 74 ans, 9 blessés graves, 57 maisons incendiées et 184 habitants sans abri ?
L’arrivée des soldats américains à Tourouvre, le 14 août 1944. (Crédits : © LTD / ASSEURS DE MÉMOIRE TOUROUVRE ASSOCIATION)
Dans les jours précédant le drame, la Résistance locale avait mené quelques actions. Un soldat allemand avait été tué dans un bombardement canadien à la hauteur du passage à niveau. Un camion de victuailles immobilisé sur la place du Paty avait été pillé par les habitants aux ventres creux. Enfin, deux véhicules américains avaient fait une incursion avant de repartir. Les Allemands sont nerveux. Faute d’ennemis, leur violence se déchaîne contre la population terrée dans les caves. Ils mitraillent les vitrines, tuent au hasard, boivent du cognac à même la bouteille, brûlent des maisons, rassemblent des otages qui seront relâchés plus tard grâce à l’entremise de RobertGuerrier, le boulanger qui baragouinait un peu la langue de Goethe. Seule une poignée de témoins gardent encore quelques images du 13 août 1944. Ils avaient 10 ans tout au plus. Mais leur mémoire flanche.
Pour pallier cette amnésie qui vient, une association, Les Passeurs de mémoire, présidée par Jean-Édouard Gueugnon, un jeune agent immobilier, a été créée, rassemblant les passionnés d’histoire locale et des citoyens de bonne volonté. C’est à eux que revient la tâche d’entretenir la flamme du souvenir. Dans la préface du petit livre autoédité consacré à cet événement, 13 août 1944, le massacre de Tourouvre, Jean-Édouard Gueugnon écrit : « Tourouvre porte en elle quelque chose de sombre qui m’a toujours frappé. Il y a des choses que l’on n’explique pas, d’indicible, d’indescriptible et pourtant perceptible. » Cette impression remonte à son enfance, quand il venait disputer des parties de foot au stade René-Zunino. Elle ne s’est pas démentie.
À l’initiative de l’association, 300 personnes étaient venues assister, fi n juin, à une conférence sur la tragédie de Tourouvre. Après quoi elles avaient déambulé le long de la grande rue pour tenter d’imaginer derrière telle façade, construite en 1947 selon un strict code architectural, la maison qui s’y trouvait autrefois. La famille qui y vivait. Certains n’hésitent pas à évoquer un « mini-Oradour ». Vendredi 9 août, à l’heure où les Bleus de Thierry Henry disputaient leur finale olympique, nous étions une belle centaine à participer à un nouveau rendez-vous mémoriel dans la salle Georges-Brassens. Un apéritif dînatoire et un concert de piano donné dans l’église comble ont complété cet hommage. Au village, les morts de 1944 pèsent encore sur les vivants de 2024. Difficile de les oublier. Leurs noms sont gravés dans la pierre du monument aux morts, à côté de l’Hôtel de France, et sur deux autres stèles au cimetière de la commune. C’étaient des paysans, des artisans, des réfugiés venus de Caen. Ils n’ont pas fait l’Histoire mais ils l’ont subie jusqu’au bout.
Cela n’empêche pas le village de faire la fête. Avec éclectisme. Hier, c’était bal country, organisé par l’association Country Road 61, forte d’une quarantaine de membres. Chaque année, du matin au crépuscule, que la place soit noyée par la pluie ou vitrifiée par le cagnard, le village est tympanisé d’airs texans, de solos de pedal steel guitar, de fiddle et de banjo. Les participants arborent des Stetson, des jeans bootcut avec des gilets de cuir, des boloties, et des santiags dont ils font résonner les talons sur le parquet spécialement installé sur le bitume. « C’est une activité qui permet aux gens d’oublier le quotidien, de faire travailler le cardio, la mémoire des pas, et de faire des rencontres. Nous avons beaucoup de femmes seules parmi nos adhérents », explique Valérie Martin, la présidente de Country Road 61, fondé en 2013. Elle n’a jamais mis les pieds aux États-Unis. « Je n’ai jamais eu cette chance. » Si tu ne vas pas en Amérique, l’Amérique viendra à toi!
Dès demain (jusqu’au 17 août) c’est musique baroque dans le cadre de la 6e édition du P’tit Festival d’Autheuil, organisé par l’association Autheuil patrimoine et culture. Le changement d’atmosphère est brutal, un peu comme la météo de Normandie. Les concerts se déroulent dans la petite et ravissante église romane qui passe pour la plus ancienne du Perche. « Notre objectif est de faire rayonner la colline d’Autheuil et son église Notre-Dame », explique Benoît Pohu, une des chevilles ouvrières de l’événement. On estime à 2 000 le nombre de festivaliers.
L’Hôtel de France après sa destruction par les Allemands. (Crédits : © LTD / PASSEURS DE MÉMOIRE TOUROUVRE ASSOCIATION)
Dolly Parton à Tourouvre, Monteverdi à Autheuil ou French Touch, ce soir, pour la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris 2024, le choix est compliqué. Elle est finalement très étrange, cette tradition de fêter la fi n des JO. De quoi les Français devraient-ils se réjouir ? De suivre ceux de Los Angeles dans quatre ans avec un décalage horaire impossible ?
On trouvera un jour des Phryges millésimées 2024 sur les étals des vide-greniers
De devoir attendre encore un siècle pour accueillir de nouveau l’élite du sport mondial ? Rien que d’y penser, ça fiche le bourdon. Il y a du JO blues dans l’air. On regrette ce qu’on quitte, on redoute ce qu’on va retrouver. Les cartables et fournitures scolaires prendront la place des goodies dans les rayons de supermarché, et on trouvera un jour des Phryges millésimées 2024 sur les étals des vide-greniers. Les politiciens occuperont vite les startingblocks des sprinteurs.
En se retirant, la marée des Jeux nous laisse semblables et différents. Râleurs mais exigeants. Les JO nous ont forgé un moral de winners ! On trépigne de désespoir devant la boulette de Dika Mem lors des quarts de finale du tournoi de handball. On enrage face à la supériorité de ces satanés Chinois sur les frères Lebrun. On s’habitue tellement vite à l’or que le bronze ou l’argent prennent vite un goût de mauvais chocolat. Le pied du podium est une blessure ; l’échec, un camouflet. D’avoir tenu pour quelques heures la tête du classement des médailles a tout changé. On avait des espoirs de titres, désormais on aura des exigences. Visitant Genève et les bords du lac après la guerre, Jean Paulhan, directeur historique de la Nouvelle Revue française et pape des lettres hexagonales, s’extasiait des services proposés par les hôtels de la Confédération dans son Guide d’un petit voyage en Suisse (Gallimard, 1947). Déposant le soir ses souliers à la porte de sa chambre, il les retrouvait cirés le lendemain matin. Mais le surlendemain, déjà habitué à ce luxe, il regrettait que ses chaussures n’eussent pas été ressemelées, « ce dont elles auraient eu le plus grand besoin »…
Un été français
La semaine prochaine, retrouvez le septième épisode de notre série.
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