Eluard à Paulhan en janvier 1921 : « Si j’écris comme hier, je m’aperçois trop de ma naïveté et de mon ignorance. » Le même au même en janvier 1942 : « Nos lettres se sont croisées. Réponds-moi quand même. Ton avis est le seul auquel je tienne. » Entre-temps il y a eu entre eux Dada, le surréalisme et une fâcherie, voulue autant par Breton que par Eluard. Les termes de la rupture sont grossiers : le 10 octobre 1927, Eluard traite Paulhan de « sale con », de « morpion » et de « poussière de bidet ».
Puis il y a eu la réconciliation délicate et lente, l’Occupation, la capture de la NRF par Drieu la Rochelle. Après 1942, il y aura encore une brouille, Eluard se montrant féroce dans l’épuration des écrivains collaborateurs quand Paulhan répugnait à la vengeance.
Leur correspondance, à toutes ses époques, donne au lecteur un sentiment constant : Paulhan excelle dans l’art de pousser son interlocuteur à se révéler, à en dire plus qu’il ne devrait, à se confier excessivement. Lui répond avec une courtoisie et un flegme de lord, mais d’un lord mi-juge, mi-directeur de conscience et devant lequel il serait inutile de prétendre se déguiser. Eluard tantôt cède – au-delà ce qu’il voudrait sans doute – et tantôt se révolte : « Vous avez dix ans de plus que moi, mais si nous vivons tous les deux, vous mourrez avant moi et nous aurons le même âge. » Voilà qui est justement vu : Paulhan est celui qui a dix ans de plus, toujours, quel que soit l’ami. Dans les premiers mois de Dada, si magnifiques soient-ils, il se doute que l’explosion ne peut pas durer. Dans les accointances du surréalisme et du communisme, si violemment revendiquées soient-elles, il reconnaît les signes funestes du malentendu et de l’échec. Ce qu’il écrit en 1927 (et qui est ce pour quoi Eluard l’insulte si salement) s’est vérifié très peu de temps après : « Alors même qu’ils traitent du communisme, c’est sur le terrain de la littérature que les surréalistes posent d’abord la question. » Au nom de la même distinction, de la même méfiance, il refuse en 1944 que les antagonismes artistiques se règlent devant des pelotons d’exécution. Excès de générosité ? Il se peut. Mais il ne voulait pas qu’il y eût un mort de trop, un mort pour rien, en un temps qui les comptait par centaines de milliers. Ce scrupule montre sa grandeur.
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